Publié le 18 Juin 2020

"Moi, général de Gaulle, j'appelle..."

« Toute ma vie, je me suis fait une certaine idée de la France. Le sentiment me l’inspire aussi bien que la raison. Ce qu’il y a, en moi, d’affectif imagine naturellement la France, telle la princesse des contes ou la madone aux fresques des murs, comme vouée à une destinée éminente et exceptionnelle. J’ai, d’instinct, l’impression que la Providence l’a créée pour des succès achevés ou des malheurs exemplaires. S’il advient que la médiocrité marque, pourtant, ses faits et gestes, j’en éprouve la sensation d’une absurde anomalie, imputable aux fautes des Français, non au génie de la patrie. Mais aussi, le côté positif de mon esprit me convainc que la France n’est réellement elle-même qu’au premier rang ; que, seules, de vastes entreprises sont susceptibles de compenser les ferments de dispersion que son peuple porte en lui-même ; que notre pays, tel qu’il est, parmi les autres, tels qu’ils sont, doit, sous peine de danger mortel, viser haut et se tenir droit. Bref, à mon sens, la France ne peut être la France sans la grandeur. »

 

Charles de Gaulle – in Mémoires de guerre.

 

18 juin 2020, 80e anniversaire de l’Appel du général de Gaulle.

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Publié le 6 Juin 2020

La Semaine Sanglante (gravure d'époque).

La Semaine Sanglante (gravure d'époque).

Les écrits des Communards et sur la Commune sont connus. Les lettres de soldats versaillais (qui soutenaient le pouvoir légitime représenté par Adolphe Thiers) le sont moins. Voici un témoignage retrouvé par la chercheuse Bénédicte Rebeyrolles. Il s’agit de la lettre d’un soldat – Hilaire Chaillaud – qui raconte sa « Semaine Sanglante » (semaine du 21 au 28 mai 1871).

 

Hilaire Chaillaud est le fils d’une famille d’agriculteurs de Villexavier (sud Charente Maritime, proche de Jonzac). C’est une famille déjà aisée d’éleveurs de bœufs gras. Au moment où il écrit cette lettre, il a 18 ans (il va vivre longtemps, il meurt en 1942 de pneumonie). On peut supposer qu’il était dans l’armée régulière vaincue, avant d’être envoyé par Thiers reprendre Paris contre la Commune. Cette lettre permet de bien étudier l’antagonisme entre paysans et ouvriers, entre Parisiens, toujours soupçonnés d’être révolutionnaires, et cette province constituée de petits propriétaires attachés à leur bien.

 

« Le 27 mai 1871.

Chers parents,

 

Je vous ai déjà écrit une lettre étant à Passy et je l’ai mise à la boîte de suite croyant qu’elle parviendrait immédiatement mais un facteur auquel j’ai demandé des renseignements m’a dit que le service ne commençait que demain, alors je m’empresse de vous transmettre celle-ci. (…).

 

Je vais vous donner quelques détails sur ce qui s’est passé à Paris ces jours derniers mais qui à notre grande joie est presque terminé.

 

Après le bombardement commencé il y a déjà quelques jours et qui avait pris un grand développement dans ces jours derniers et les travaux de siège opérés par les troupes autour de la capitale, la prise des forts d’Ivry du fort de Vanves après avoir refoulé les insurgés dans l’enceinte fortifiée on a commencé par entré dans Paris dans la nuit de Samedi à Dimanche et depuis ce jour jusqu’à présent on a vu que des incendies. Nous sommes entrés le 22 mais je vous l’assure il ne faudrait pas avoir de cœur pour ne pas jeter un cri d’indignation en voyant tout ce qui se passe.

 

Paris incendié, dévasté, pillé par ces barbares qui à mesure qu’on les fait reculer incendient et font sauter les édifices publics et les maisons particulières. C’est ainsi que plusieurs rues entières sont couvertes de débris de maisons anéanties par le feu.

 

Les Tuileries, Le Palais Royal le Palais de Justice, l’Hôtel de Ville, la Légion d’honneur, le Conseil d’État la Cour des comptes le Ministère des Finances le grenier d’abondance, le Théâtre de la porte Saint Martin, le Théâtre Lyrique l’Ambigu, La Caisse des dépôts et consignations : tous ces édifices sont maintenant réduits en cendres.

 

Heureusement je crois que le Louvre a été épargné : ces forcenés avaient disposé leurs engins de destruction mais ils n’ont pas réussi et ont été porté plus loin leur dévastation. Jamais l’on avait vu chose pareille, pendant plusieurs jours du côté où le vent poussait la fumée ce n’était qu’une pluie de papiers brulés et d’autres à demi brûlés qui étaient soulevés par la fumée, une fumée tantôt noire comme du charbon tantôt blanchâtre qui diminuait par moments mais tout d’un coup reprenait avec plus de force que jamais c’était effrayant à voir.

 

Hier encore le canon grondait du côté de Montmartre mais il se serait tu que l’on aurait encore reconnu la trace des bandits aux tristes sinistres qui dévastaient l’est de paris, un grand et effrayant incendie flambait du côté de la Villette dans l’entrepôt nouveau crime à ajouter aux furieux défenseurs de la Commune. On voyait encore des gerbes de flammes s’échappant de l’Hôtel de Ville le ciel était tout empourpré de rouge c’était affreux.

 

Dans les Tuileries de temps à autre des explosions causées par des barils de poudre entassés par les fédérés éparpillant les ruines encore fumantes de cet édifice.

 

Jusqu’à des femmes qui se sont mises avec eux et qui sont encore pires qu’eux mais on ne leur fait pas plus de grâce qu’aux hommes on le mène devant un conseil et aussitôt condamnés ils sont exécutés ce n’est pas par un ou deux que l’on les fusille c’est par un cent ou deux cents. Ils ne nous font pas pitié ces canailles-là qui pendant le siège ont toujours été ivres et si ce n’avait pas été comme (mot illisible) j’aurais eu encore plus de peine que l’on a eu car avec toutes les armes qu’ils avaient des canons des mitrailleuses de tous systèmes blindées et autres des canonnières blindées aussi. Maintenant Paris sera un peu purgé. On vient de nous dire que c’était fini seulement il y a toujours quelques coups de fusil mais ce n’est rien. Nous allons rester quelques temps ici car il faut que sous vingt-quatre heures tous ceux qui ont des fusils les rendent car après ce temps-là on va faire des fouilles et ceux à qui on en trouvera seront traduits en conseil de guerre.

 

Nous sommes maintenant dans l’école militaire au bout du Champ de Mars. Je suis en bonne santé ainsi que mes camarades et je désire que vous soyez de même.

 

Votre fils qui vous embrasse.

 

Hilaire Chaillaud.

 

Bien des choses à tous mes parents et amis. Je suis content d’avoir vu ce j’ai vu mais c’est tout de même avec horreur pour ces bandits. Nous sommes maintenant du (illisible) ligne. Notre dépôt est à Valenciennes (Nord). Mon adresse est : Hilaire Chaillaud au (illisible) de ligne 2ème bataillon 6ème corps à Paris école militaire Seine. »

 

 

 

 

 

Sources :

 

https://clio-texte.clionautes.org/lettre-du-27-mai-1871-un-simple-soldat-versaillais-raconte-sa-semaine-sanglante.html

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